Le monde, vous le voulez avec ou sans montagnes ?

Le monde, vous le voulez avec ou sans montagnes ?

Le rôle des chaînes de montagnes dans l’évolution géologique du cycle du carbone et du climat de la Terre est âprement débattu depuis 40 ans. Au cœur du débat se trouve la question du couplage entre les processus d’érosion physique qui, en brisant la roche, permettent d’accroître les surfaces de contact entre l’eau et les minéraux, et l’altération chimique des roches silicatées qui consomme du CO2 atmosphérique. Il est généralement admis que des périodes géologiques caractérisées par la présence de chaînes de montagnes importantes correspondent à des épisodes de refroidissement du climat, comme c’est le cas depuis 40 millions d’années environ. L’érosion physique accrue dans ces régions accélèrerait les réactions de dissolution chimique des roches.
Ce scénario simple, proposé à la fin du siècle dernier, est-il vérifiable à l’échelle globale ? Les chercheurs du GET se sont penchés sur cette question en s’appuyant sur trois avancées récentes. D’une part, de nouveaux formalismes mathématiques ont été récemment publiés, décrivant la dépendance de l’érosion physique en fonction des pentes et du climat. D’autre part, de nouvelles lois mathématiques liant l’altération chimique à l’érosion physique et au climat ont été proposées. Dernière pièce du puzzle, il est possible aujourd’hui d’utiliser des modèles climatiques complexes pour reconstruire le rôle des chaînes de montagnes sur le climat de la Terre.
S’appuyant sur ces trois avancées, les chercheurs du GET ont simulé numériquement un monde dans lequel toutes les chaînes de montagnes ont été enlevées afin de comparer la consommation de CO2 atmosphérique par l’altération des roches dans un monde plat à celle à l’œuvre dans le monde réel actuel.
Un résultat surprenant sort de cette étude : en enlevant les montagnes, la probabilité que la consommation de CO2 par l’altération des roches diminue n’est pas significativement plus grande que la probabilité d’augmentation de la consommation de CO2. Ce résultat contre-intuitif est la conséquence de l’impact du climat sur l’érosion physique. En enlevant les montagnes, on provoque une réorganisation majeure du climat de la Terre, avec en particulier une augmentation importante (11%) du ruissellement de l’eau sur les continents. Cette augmentation contrecarre la diminution de l’érosion physique liée à la disparition de pentes fortes en l’absence de montagnes. Une optimisation des paramètres du modèle montre que, dans le meilleur des cas, l’altération chimique des surfaces continentales diminuerait de 20% dans un monde plat. Mais l’étude démontre la nécessité d’augmenter la résolution spatiale des données de flux d’altération, en séparant clairement les domaines orogéniques  des zones plates, afin d’améliorer la procédure d’optimisation et de lever toute ambiguïté sur le rôle des chaînes de montagnes dans l’évolution du climat de la Terre.
Référence:

P. Maffre, J.-B. Ladant, J.-S. Moquet, S. Carretier, D. Labat, Y. Goddéris. Mountain ranges, climate and weathering. Do orogens strengthen or weaken the silicate weathering carbon sink ? Earth and Planetary Science Letters, 493, 174-185, 2018.

Contact:

Pierre Maffre et Yves Goddéris

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