Quelle est la vitesse de recul des falaises côtières à long terme ?

Les falaises côtières sont des objets en érosion, comme en témoignent les éboulements dont elles sont fréquemment l’objet. Annuellement dans l’Union Européenne, une centaine de maisons sont détruites par risque d’effondrement et de chute. Les changements climatiques en cours, qui s’accompagnent d’une remontée du niveau de la mer, sont susceptibles d’influencer ce processus érosif.

Afin de connaître la vitesse de recul des falaises, nécessaire à la prévision des infrastructures, la technique habituellement utilisée est le suivi du trait de côte grâce à des photographies aériennes. Ces photographies aériennes sont géoréférencées, c’est-à-dire que tout pixel est localisé sur Terre. On suit alors le sommet ancien de la falaise, et l’actuel. La comparaison entre les deux donne la valeur de recul. Le problème de cette méthode est que le temps entre deux photos est parfois voisin du temps de retour des effondrements de falaises qui sont plutôt aléatoires : cela induit une erreur importante dans le calcul des vitesses de recul. De plus, la méthode de la photographie aérienne ne permet pas de remonter dans le temps au-delà de quelques décennies, et ne donne donc qu’une idée de la vitesse instantanée du recul d’une falaise.

Pour la première fois, une étude coordonnée par un chercheur du GET a permis de calculer cette vitesse de recul sur quelques milliers d’années (jusqu’à 6000 ans). Cette étude propose une nouvelle méthode qui repose sur l’utilisation des isotopes cosmogéniques. Les isotopes cosmogéniques sont des éléments chimiques qui s’accumulent dans les roches de surface lorsque celle-ci sont exposées aux bombardements de particules cosmiques.

Lors de la dernière glaciation (-20 000 ans), la mer était ~120 m en dessous de son niveau actuel. Elle est remontée et s’est probablement stabilisée vers 6000 ans avant aujourd’hui. Depuis cette date, les falaises reculent laissant à leur pied une plateforme (dite d’abrasion marine). La teneur en isotopes cosmogéniques de cette plateforme nous renseigne  sur la position dans le temps de la falaise. En effet, les roches de la plateforme ne sont exposées au rayonnement cosmique qu’après le retrait de la falaise, lorsque le bouclier protecteur constitué de la couche épaisse de roches de la falaise s’est retiré. On peut donc ainsi suivre le retrait de la falaise, les roches de la plateforme s’enrichissant en isotopes cosmogéniques au fur et à mesure qu’on s’éloigne du pied de la falaise.

Nous avons développé la méthode et nous l’avons appliquée au recul des falaises de Normandie à Mesnil-Val, près du Tréport, où elle indique une vitesse de recul de ~12±2 cm/an sur 3000 ans comparable au taux moderne de ~15 cm/an calculé sur 30 ans à partir de photos aériennes. Ce modèle, et sa démonstration de concept, ouvrent de toutes nouvelles pistes pour l’étude du recul des falaises à l’échelle mondiale et à l’influence du changement climatique sur une échelle de temps adaptée.

Référence :

V. Regard, T. Dewez, D.L. Bourlès, R.S. Anderson, A. Duperret, S. Costa, L. Leanni, E. Lasseur, K. Pedoja, G.M. Maillet, 2012. Late Holocene sea-cliff retreat recorded by 10Be profiles across a coastal platform: theory and example from the English Channel. Quaternary Geochronology, doi: 10.1016/j.quageo.2012.02.027

Contact : Vincent Regard

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