Au Sahel, la brousse tigrée victime de la baisse des précipitations

Une équipe de l’OMP comprenant des chercheurs du GET et d’EcoLab a démontré le rôle majeur joué par la baisse des précipitations au nord-est du Mali pendant 3 décennies sur le dépérissement de la brousse tigrée, formation végétale boisée emblématique de la région sahélienne. Ces travaux ont été publié dans la revue Global Change Biology.
Le Sahel, vaste région semi-aride bordant la frange sud du Sahara, a connu depuis la fin des années 60 jusqu’au milieu des années 90, une baisse généralisée des précipitations, ponctuée par des années de grande sécheresse en 1972-73 et en 1983-84 qui ont eu des conséquences dramatiques sur l’environnement, les ressources végétales et animales, l’hydrologie et les populations. La remontée de la pluviosité à partir de 1995, bien que toujours déficitaire, a entrainé une amélioration générale du couvert végétal, détectée à l’échelle du Sahel par les satellites d’observation de la Terre et qualifiée de reverdissement du Sahel. Toutefois, ce phénomène affecte différemment les écosystèmes. Alors que certains sont apparus très résilients, capables de maintenir leurs fonctionnalités, comme les steppes et les savanes composées majoritairement de Poacées annuelles, d’autres comme les formations ligneuses de la brousse tigrée ont subi une importante dégradation, aboutissant parfois à leur complète disparition en moins de 50 ans.

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Évolution d’une formation de brousse tigrée dans le Gourma malien, observée à l’aide de photographies aériennes et d’images satellites à haute résolution, au cours des 60 dernières années (1955 – 2015). La brousse tigrée typique visible sur les images de 1955 et 1965, montre l’alternance des ‘tigrures’ formées par les fourrés denses de végétation, avec les impluviums dénudés où se produit le ruissellement de surface qui alimente les fourrés. A partir des années 80, suite aux années de sécheresses extrêmes de 1973-74 et de 1984-85 et à une période déficitaire de 25 ans, débutée à la fin des années 60, le dépérissement est enclenché et se poursuit encore malgré la remontée des précipitations. 1955 : © Institut Géographique National (IGN) ; 1965 : © CORONA – US Geological Survey (USGS) ; 1985 : © International Livestock Centre for Africa (ILCA) ; 1996 : © Geomaps International Inc. ; 2007 : © Projet AMMA ; 2015 : © Pléiades (CNES)

Pour expliquer ce dépérissement spectaculaire par sa rapidité et son ampleur, les chercheurs ont combiné des observations par télédétection aéroportée et satellitaire sur plus de 60 années, à des mesures de terrain acquises depuis 1984 en partenariat au Mali avec l’Institut d’Économie Rurale (IER), le Centre International de Recherche sur l’Elevage (ILRI), la Faculté des Sciences de Bamako (FAST) et la Direction Nationale de la Météorologie. Depuis 2005, ce suivi est réalisé dans le cadre du Service National d’Observation AMMA-CATCH.
L’équipe a pu ainsi démontrer que le dépérissement des bandes boisées était la conséquence en premier lieu de la diminution des précipitations, et donc des apports d’eau ruisselée, de particules fines et de nutriments par les impluviums vers les fourrés où se produit l’infiltration. En parallèle, le dépérissement de ces bandes boisées s’est accompagné d’une transformation profonde de l’hydrologie de surface, passant d’un système à ruissellement en nappe à un système à ruissellement concentré, de plus en plus structuré et hiérarchisé, sous la forme d’un réseau de rus et de ravines dont l’eau exportée bénéficie de moins en moins aux fourrés survivants. Bien souvent, cette perte en eau du système liée au pouvoir érosif croissant du ruissellement, sans doute favorisée par l’intensification des pluies dans la région, accélère au contraire leur dépérissement. Ce basculement fonctionnel, probablement irréversible à court et moyen termes malgré la remontée de la pluviosité, a des répercussions importantes sur les ressources naturelles végétales et hydriques de la région.
L’étude a montré que la cause du dépérissement résultait principalement de facteurs climatiques alors que les activités humaines par défrichement, coupes de bois et pâturage sont souvent tenus pour responsables de la dégradation de la brousse tigrée.

Pour en savoir plus: 

Site du SNO AMMA-CATCH

Source 

Trichon V., Hiernaux P., Walcker R., Mougin E., 2018. A persistent decline of a patterned woody vegetation: the tiger bush in the context of the regional Sahel greening trend. Global Change Biology,  doi: 10.1111/gcb.14059.

Contact: Eric Mougin

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