Les saisons du Jurassique
Les cycles de Milankovitch sont des variations de l’insolation reçue par la Terre pilotées par des modifications périodiques des mouvements orbitaux. Ces derniers sont particulièrement connus pour avoir rythmé la dynamique des phases glaciaires et interglaciaires au cours du Quaternaire, mais de nombreuses études montrent que ces variations de l’ordre de la dizaine à la centaine de milliers d’années se sont aussi manifestées dans des périodes géologiques plus reculées. Cependant, se peut-il que de grands mouvements astronomiques régulent la dynamique du climat à l’échelle de plusieurs millions d’années ? et si oui, par quel processus ?
Dans une étude récemment publiée dans la revue PNAS, Guillaume Dera (maître de conférences au laboratoire GET, Université Toulouse 3) et Mathieu Martinez (Postdoctorant au laboratoire MARUM, Université de Brême), montrent qu’un facteur orbital de longue durée a temporisé la dynamique saisonnière du climat entre le Jurassique et le début du Crétacé. Cette étude repose sur une analyse spectrale la composition géochimique de fossiles de bélemnites (voir photo) ayant enregistré la composition isotopique en carbone et oxygène de l’eau de mer entre -200 et -125 Ma (millions d’années). De façon surprenante, les résultats montrent une fluctuation cyclique de la composition en carbone de l’eau tous les 9 Ma. En accord avec les calculs astronomiques, cette durée de 9 Ma correspondrait à un grand cycle d’excentricité de l’orbite terrestre lié à un autre cycle de 2,4 Ma (ce dernier étant contraint par des interactions entre la Terre et Mars). Même si le lien entre composition chimique de l’eau et grands cycles astronomiques reste débattu, les auteurs suggèrent qu’une orbite très elliptique sur le long terme favoriserait des contrastes climatiques saisonniers importants (e.g., moussons et sécheresses intenses) défavorables à la préservation du carbone organique sur Terre. En revanche, les périodes à orbite plus circulaire pourraient avoir conduit à des climats humides et stables favorisant le développement de la végétation, la productivité marine et la préservation de matière organique. Dans l’ensemble, ce cycle orbital de 9 millions d’années apparaît comme un métronome majeur dans la dynamique du climat à très long terme.
Référence :
M. Martinez and G. Dera, 2015. Orbital pacing of carbon fluxes by a ≈9-Myr eccentricity cycle during the Mesozoic. Proceedings of the National Academy of Science
Contact : Guillaume Dera